Trois mois de tergiversations pour un bien dérisoire recours. Dans la crise qui perturbe sévèrement le campus universitaire d’Abomey-Calavi et entrave plus particulièrement le déroulement des activités académiques à la Faculté des lettres, arts et sciences humaines (FLASH), les étudiants ont fini par choisir la voie du recours gracieux à l’endroit des autorités décanales, rectorales et sans doute gouvernementales. Les étudiants ? Non, certains étudiants. Parmi les trois mouvements estudiantins engagés dans le bras de fer au préalable, un seul, la Fédération nationale des Etudiants du Bénin (FNEB), a choisi de faire acte de contrition et de modifier sa stratégie. Un choix qui pourtant ne risque pas de changer grand-chose, car déjà porteur de gènes d’échec : trop tardif, trop insuffisant et trop peu consensuel.
Suspension de la motion de la grève illimitée, demande de pardon, condamnation des actes de vandalisme commis sur le campus universitaire d’Abomey-Calavi, notamment du barbouillis d’excréments humains et d’huile de vidange sensé empêcher il y a quelques semaines le déroulement des examens en Faculté des Sciences et Techniques (FAST), les responsables de la FNEB n’y sont pas allés du dos de la cuillère pour tourner casaque dans le bras de fer, même s’ils ne veulent plus l’appeler ainsi, qui les a jusque-là opposés à l’administration décanale de la FLASH et aux autorités rectorales. Ayant peut-être pris conscience de l’opiniâtreté de ces dernières par rapport aux points de discorde relatifs entre autres à l’organisation d’une seconde session de composition en FLASH, à l’invalidation de l’année académique 2015-2016 dans cette même entité et à la suspension provisoire de cinq ans des 21 étudiants accusés d’actes de vandalisme et d’indiscipline, la FNEB tente ainsi de désamorcer une crise avec des armes émoussées.
En premier lieu, le recours gracieux de la plus grande organisation estudiantine, vient tard, trop tard. Trop tard en tout cas pour permettre de "sauver" l’année académique en FLASH. Chaque jour, chaque heure, chaque seconde qu’ils ont laissé passer dans la situation de crise, n’a fait que conforter l’invalidation de l’année académique finissante pour laquelle ni les examens du premier semestre n’ont encore pu être organisés et corrigés, ni les cours du deuxième semestre et encore moins les examens de fin d’année. Remettre en selle un tel calendrier académique reviendrait à faire chevaucher une année académique (2015-2016) sur trois années civiles, puisque les enseignements et évaluations ne peuvent plus s’achever avant 2017, ce qui pénaliserait lourdement les nouveaux bacheliers dont l’inscription serait alors différée de plusieurs mois.
En deuxième lieu, le recours gracieux des étudiants ne dit pas s’ils renoncent à leur volonté de se voir organiser une deuxième session de composition à la FLASH. Cette deuxième session est en effet le socle des revendications ayant déclenché la crise en cours. Sans une renonciation claire et définitive à cette idée, il est peu probable que les enseignants acceptent de fumer le calumet de la paix avec leurs étudiants et de revenir sur les sanctions prises.
Enfin, et c’est ça le plus grave, la communauté étudiante sur le recours, est divisée. Le choix de la FNEB est très diversement perçu par les deux autres organisations étudiantes. L’Union nationale des Etudiants du Bénin (UNEB) se montre réservée et entend faire poursuivre le mouvement de grève illimitée sur le campus et dans toutes les entités de l’UAC, tandis que les responsables de l’Union nationale des Scolaires et Etudiants du Bénin (UNSEB) sont carrément hostiles à ce que certains qualifient de « trahison ». Or, on sait qu’il suffit d’une organisation syndicale, d’un mot d’ordre de débrayage, pour que les activités universitaires soient sérieusement bouleversées. Avec deux, dont l’UNSEB, connue pour sa détermination et sa ténacité, la sérénité est loin d’être de retour sur le campus d’Abomey Calavi.
Serait-ce alors un recours pour rien, mais vraiment rien ? Pas sûr. Le geste positif que constitue cette action de la FNEB peut être pris en compte pour une éventuelle nouvelle analyse des sanctions, notamment l’exclusion de certains responsables étudiants. Au-delà, les appels à l’intervention personnelle du Chef de l’Etat ne risquent quant à elles pas de prospérer. Le temps où le Président de la République se mêlait de tout et d’un peu plus que tout est bien révolu.
C’est mon opinion, et je la partage.
James-William GBAGUIDI