Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 août 2016 4 18 /08 /août /2016 09:10
Justice béninoise : le toujours teigneux Michel Adjaka

Dix ans de résistance au pouvoir politique, et ils en redemandent. Ils, ce sont les magistrats du Bénin, robes noires, caractère trempé, esprit vif et à en juger par leurs récentes prises de position, l’insurrection dans l’âme. On les a vus, parfois seuls au front, démontrer à Thomas Boni Yayi et à son régime déviant à l’époque, que la caporalisation de la société à laquelle il tenait plus que tout, devait s’arrêter aux portes de la magistrature. On les a vus en grève. Très très souvent. On les a vus manifester. Plus rarement. Mais jamais on ne les as vus plier, si ce n’est cette frange instrumentalisée transformée un moment en syndicat « patriote » puis rapidement réduite à l’inaction faute de crédibilité. Certains s’imaginaient donc les voir embrasser la rupture sans ciller et s’acoquiner avec. Mais c’était compter sans l’irréductible syndicat qu’est l’Union nationale des Magistrats du Bénin (l’UNAMAB) avec à sa tête un intraitable Michel Adjaka.

48 heures, voire plus, après le redéploiement sur toute l’étendue du territoire national de près des 2/3 des magistrats béninois, l’absence de réaction de l’UNAMAB et de son président, commençait à me laisser penser que Me Joseph Djogbénou, Ministre de la Justice, et le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) avaient réussi un coup de maitre. Procéder à un si vaste redéploiement sans susciter de commentaires séditieux de la part du célèbre syndicat, aurait en effet relevé de l’exploit. En dix ans de gestion du régime précédent, aucune mutation ou presque, n’a jamais obtenu l’avis favorable du syndicat des hommes en toge noire.

Mais il n’aura pas fallu attendre bien longtemps, Michel Adjaka a parlé. Il dénonce, au grand dam de Me Djogbénou, des nominations « illégales, opaques et peu rationnelles du personnel magistrat ». Ainsi, la charge est sonnée. Si le régime du Nouveau Départ pensait pouvoir bénéficier de l’œil conciliant de l’UNAMAB dans le cadre de sa gouvernance, c’est raté. Après les premières récriminations des Magistrats peu après l’avènement de la rupture à laquelle il est indéniable qu’ils ont contribué, récriminations ayant trait au respect des décisions de justice dans le cadre de la crise du football, les voici désormais dans des réprobations corporatistes. Sauf que Michel Adjaka, dans son post sur facebook à travers lequel il dénonce les incohérences de la décision de redéploiement des Magistrats, ne dit pas si ceux-ci vont laisser passer la pilule sans autre forme de procès ou s’ils vont se mettre en tête de faire revenir l’exécutif sur les incongruités qu’il dit avoir relevées. Ce qui équivaudrait sans doute au déclenchement d’un mouvement de protestation, un de plus dans le secteur de la justice.

De toute évidence, la lutte que les Magistrats béninois ont menée contre les tentatives de mise au pas orchestrées par le régime Yayi entre 2006 et 2016 n’était pas une guerre de personnes. Les Magistrats béninois tiennent à leur indépendance individuelle et collective, autant qu’au respect des décisions de justice qu’ils rendent. Me Joseph Djogbénou, avocat de profession et donc amené à collaborer avec eux de manière régulière depuis bien des années, ne devrait donc pas être surpris de leur réaction. L’amphitryon gouvernemental, ainsi que je le caricaturais il y a peu dans une autre chronique est bel et bien sur le gril. Et voici le tour de l’irréductible Michel Adjaka d’alimenter le bûcher.

C’est mon opinion, et je la partage.

James-William GBAGUIDI

Partager cet article
Repost0

commentaires